Naturellement, la tache suivante est le collage du tendon sur l’arc et le séchage de celui-ci. Il s’agit là d’une part importante de la réalisation, mais pour laquelle nous n’avons pas d’expérience … On tente et on verra ensuite si l’on a fait les bons choix !
Il est assez difficile de coller du tendon, le matériau est très particulier, de même pour sa texture. Le tendon contient du collagène, matériau naturel utilisé comme colle depuis des millénaires. La logique est donc d’utiliser une colle de collagène, ce qui a comme effet de recréer un ensemble cohérent comme le tendon d’origine.
Nous optons donc pour de la colle de peau car c’est plus simple d’en trouver sur internet. Toutefois, il est aussi possible d’en créer avec du tendon que l’on fait chauffer pendant des heures (vu le prix de la colle de peau, ce n’est pas conseillé).
Nous n’avons pas tenté de coller le tendon avec d’autres colles modernes. Selon nos lectures, les colles n’adhèrent pas correctement. Toutefois, il existe une colle de collagène améliorée (Titebond) utilisée en lutherie généralement, qui semble fonctionner également, mais sèche plus rapidement (avantage de ne pas devoir attendre des jours/semaines, mais inconvénient de ne pas profiter de l’effet de contraction du tendon).
La colle est livrée en petites granules (imputrescible sous cette forme). Nous en plaçons dans le fond d’un bocal en immergeant les granules d’eau tiède. Il faut remuer régulièrement pour éviter que les granules s’agglomèrent. Après environ une heure, les granules se dissolvent dans l’eau et l’ensemble se gélifie. Ensuite, pour la conserver, nous conseillons de la placer au frigo et de refermer avec un bouchon (la colle sous forme de gel finit par pourrir après quelques semaines).
Pour lui redonner une forme liquide, il faut alors réchauffer la colle au bain-marie (eau tiède), mais la solution la plus simple est de la placer au four à micro-onde pendant 5-6 secondes (850W) et de recommencer lorsque la colle recommence à se gélifier (après 30 min. environ).
Voici les différents éléments nécessaires : l’arc en devenir, la colle de peau liquide, le tendon, une paire de ciseaux (pour recouper les extrémités dures des tendons), un bic peut être utile pour aplatir le tendon (comme un rouleau à pâtisserie) et une casserole d’eau tiède.
Si l’eau est trop froide, le tendon ne se ramollit pas beaucoup (surtout si vous avez laissé des morceaux durs), mais si l’eau est trop chaude, le tendon commence à se dissoudre (perte de résistance) et se contracte sur lui-même en faisant des boucles (impossible à coller)… dans ce cas, le tendon est perdu pour le collage ! D’une manière générale, il faut pouvoir mettre ses mains dans l’eau sinon, c’est trop chaud.
Il est utile de classer les morceaux de tendon en plusieurs catégories : 1/ les plus longs (à choisir en premier) 2/ Les tendons légèrement plus courts (pour le bout ou comme surépaisseur là où il y a moins de tendons) 3/ les morceaux petits ou durs (à utiliser pour combler les « trous » ou à jeter)
Il faut placer les tendons dans la casserole d’eau tiède ce qui rend plus souples. Après quelques minutes, il suffit de prendre plusieurs paquets de fibres et de les lisser entre-elles avec la main sur la table pour ensuite les plonger dans la colle plusieurs fois en retirant l’excèdent de colle en les pressant sur toute la longueur. Cela a pour effet d’aplatir les fibres sur 1-2 centimètres de large selon le nombre de fibres sélectionnées. Il reste ensuite à les appliquer sur l’arc en évitant qu’elles ne tournent l’une au-dessus de l’autre.
Dans notre cas, il faut répéter 3 fois l’opération pour recouvrir la largeur de l’arc, mais avec un paquet de fibres plus important, il est possible de placer 4-5 cm de large en une seule fois (gain de temps limité).
Voici la première couche de fibres collée ! Il est utile de presser les fibres avec le doigt ou avec le bic pour retirer la colle excédentaire et aussi s’assurer que les fibres sont bien collées au support, le plus droit possible. Il faut presser les tendons à plusieurs moments lors de la pose et du séchage (lorsque le tendon est humide, après 30min.-1h et quelques heures plus tard afin de bien écraser les fibres entre-elles et de former une couche homogène).
Les vidéos du facteur d’arc coréen montrent qu’il arrive à trouver des fibres assez longues pour les placer sur toute la longueur d’une branche. Ceci n’est pas notre cas ! Il faut donc les placer les unes à la suite des autres en prenant soin de recouvrir les précédentes avec les suivantes en conservant une épaisseur constante.
– Il faut coller le tendon en plusieurs couches, en laissant sécher quelques heures au moins entre chaque (sinon le tendon du dessous bouge encore). Il faut aussi veiller à décaler chaque couche par rapport à la précédente (le centre du tendon sur le recouvrement de la couche précédente … comme des briques) afin d’éviter les points faibles.
– En laissant sécher les tendons, l’ensemble forme une couche plus ou moins homogène. Si les tendons avaient été défibrés davantage (fibres mieux séparées) la surface serait certainement plus régulière, mais cela ne semble pas être un problème.
– Une fois sec, nous pensons préférable de poncer légèrement la surface au papier de verre afin de gommer les irrégularités (grosseurs) et d’éviter que cela ne se cumule couche après couche.
Sur l’exemple ancien, le tendon semble avoir été posé en 2 couches d’environ 2mm d’épaisseur. Cela semble beaucoup tout de même, puisque nous devrons placer 4 à 6 couches pour obtenir environ 4mm d’épais (en augmentant le nombre de couches, on augmente l’effet « mur de brique »). Il est possible aussi que la double couche provienne d’un temps de séchage plus long à un moment donné.
Il faut s’assurer que, durant le séchage, l’arc ne se plie pas. En effet, le tendon humide s’étend et lors du séchage, il revient en place, ce qui crée des contraintes dans l’arc. On aperçoit d’ailleurs que sur la photo (après 3-4 semaines), l’arc est désormais plus réflex qu’auparavant, les siyahs sont désormais parallèles.
Le risque principal est surtout que les siyahs vrillent et que l’arc ne soit plus fonctionnel. Pour cela nous avons collé des boucles temporaires aux extrémités des siyahs afin de suspendre d’arc durant le séchage. Nous n’avons pas assez d’expérience pour savoir si c’est la meilleure solution, mais le poids de l’arc tend à éviter que les siyahs se tordent.
Si une torsion apparait, il est toutefois possible d’humidifier l’arc et de le maintenir avec des sert-joint sur un panneau de bois résistant.
LE TEMPS DE SECHAGE
Nous avons lu beaucoup de données contradictoires concernant le temps de séchage du tendon : de quelques semaines à quelques mois ou même un an entier.
Il est certain que, comme pour le séchage du bois, plus l’épaisseur est importante, plus l’humidité prendra de temps pour migrer vers l’extérieur. Selon ce principe, il serait alors plus rapide d’attendre quelques jours ou semaines entre chaque couche plutôt que tout placer en même temps.
Il nous semble toutefois que sur quelques millimètres, le temps de séchage dans un endroit chauffé doit se réduire à quelques jours seulement, voir quelques semaines.
Il est plus probable que les facteurs d’arcs composites en démarraient des dizaines en même temps (pour éviter de devoir stopper leur travail à cause du temps de séchage), et que, d’une manière plus pragmatique, il est plus simple de tout faire sécher en même temps, sur une même étagère, et de reprendre les arcs secs après quelques mois en sachant que tous les arcs seront alors secs après ce temps.
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