LES SECRETS DE CONSTRUCTION

On parle souvent de connaissances secrètes, il existait en fait toute une hiérarchie pour chaque profession passant de l’apprenti (ou lapin), au singe, au renard ou autres appellations, la dernière étant le sanglier (animal solitaire, il signifie que sa formation est terminée et qu’il peut alors voyager pour participer à différents chantiers).

Au Moyen Age, la géométrie devient un art majeur à la base de toutes les connaissances des corporations de bâtisseurs et d’ensgeniors (constructeurs d’engins et machines)fig1&2. Ainsi, quelques traités sont écrits par des mathématiciens ou praticiens.
Mais ce savoir est bien gardé et n’est transmis que d’initié à initié de même corporation, ce qui garantit l’exclusivité de leur savoir et de leurs compétences. Aussi, leurs services se louent-ils très chers car ils sont indispensables pour régler correctement les machines, construire correctement et se déplacent de très loin.
« En 1368, les consuls de Rodez décident de la construction d’une bride (trébuchet). Mais les ouvriers, totalement inexpérimentés en la matière, échouent dans leur entreprise. Aussi, l’année suivante, font-ils appel à un spécialiste : Me Joh. Massias, charpentier d’Argentat en Corrèze. »1

VILLARD DE HONNECOURT, « ENSGENIOR » MEDIEVAL ?

Un carnet d’un de ces érudits est pourtant parvenu jusqu’à nous ! Architecte, savant, ingénieur, ou juste observateur ; nous ne savons pas vraiment qui est ce personnage du XIIIe siècle, seul subsiste son carnet de dessins amputé de quelques pages. Il prend des notes de ses voyages (en Hongrie par exemple) et explique (aux autres initiés ?) comment réaliser certains objets, comme un grand trébuchet !
Ce manuscrit « comporte, d’une part,  de nombreux dessins, de figures, hommes, animaux (…) imaginés ou reproduits, d’autre part, des projets ou des relevés de machines et d’engins, de chantier ou de guerre, (…) des figures de géométrie élémentaire, enfin, des plans, élévations et coupes d’édifices (…). Ce ne sont pas des dessins d’exécution, mais des croquis ou relevés représentant des objets ou monuments existants ou projetés, et aussi des procédés, des tours de main, des trucs de préparation ou de mise en œuvre dont l’auteur cherchait à garder le souvenir. » 2

Il est possible que ces différentes figures et dessins servaient d’enseignement aux plus jeunes, grâce à des principes simples (à une époque où peu de gens savent lire) et facilement mémorisables. Ainsi, la tête de cheval permettait de désigner un triangle isocèle lorsqu’un initié parlait à un de ses pairs fig3&4.

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