Cette étape n’est pas absolument nécessaire puisqu’il est possible de démarrer l’équilibrage directement avec le matériel prévu à cet effet. Malgré tout, un premier test au sol permettra de se faire une idée rapide de la puissance de l’arc et du travail qu’il reste à réaliser.
Le tillering au sol crée le lien entre le dégrossissage qui consiste uniquement à retirer le maximum de matière inutile et l’équilibrage qui doit permettre d’arriver à un arc fonctionnel en retirant la matière petit à petit.
Le tillering au sol se situe à mi-chemin, le principe sera de terminer le dégrossissage jusqu’à obtenir une ébauche d’arc qui commence à plier plus uniformément.
LES PRÉPARATIFS
Maintenant que le bois est sec, il est bon de reprendre rapidement les étapes précédentes avant de continuer. Si vous avez opté pour un séchage en début de réalisation, ce ne sera donc pas vraiment nécessaire.
– Vérifier l’arc après le séchage –
La première chose à faire est d’inspecter l’arc sec pour vérifier si le séchage n’a eu aucune conséquence.
Si les extrémités sont fendues, il faudra recouper le bout jusqu’à la fin de la fente ou tenter un collage (les colles modernes sont plus résistantes que le bois lui-même). Le plus difficile sera d’injecter la colle dans une fine fente sans pouvoir l’ouvrir davantage.
Si d’autres types de fentes sont apparues, il faudra alors les retirer avant de continuer.
Si le bois s’est vrillé ou tordu, il sera alors utile de se demander si ce n’est pas plus simple de jeter la branche pour en prendre une autre, ou juste la conserver pour plus tard. Une fois sec, le bois peut rester stocké à l’abri des intempéries aussi longtemps que vous le désirez. À ce stade, vous perdrez 1 à 2 heures de travail maximum si vous décidez d’arrêter!
Nous commençons beaucoup d’arcs, et certains restent en attente pendant des années, car ils ont une courbe moins appropriée ou parce que d’autres semblent plus évidents. Le choix de la branche et du bois est une donnée essentielle dans la facture d’arc, du début jusqu’à ce moment !
– Imaginer la forme –
Il faut ensuite revérifier si la position présupposée pour l’arc semble encore évidente après séchage. Cela sera essentiel si l’arc a été déformé ou si vous avez tenté de déformer vous-même le bois pour en améliorer ces performances ou rectifier la forme. Le principe ne change pas de ce qui a été dit auparavant.
Pour les longbows reflex, le désavantage sera qu’il est difficile d’identifier comment l’arc se pliera avec une vraie corde. En effet, il n’est pas rare que l’arc plie légèrement en oblique et nous n’avons pas encore vraiment trouvé de solution pour l’éviter sauf en conservant le bout des branches assez large durant une partie du tillering afin de rectifier ensuite. Toutefois, des branches larges influencent la courbure lors de la flexion et donc le tillering de l’arc, cette solution comporte donc aussi certains désavantages.
Lorsque vous avez imaginé comment placer l’arc au mieux, il est alors possible de recouper les deux extrémités en laissant toutefois 5-8 cm de marge sur la longueur afin de pouvoir le recouper ensuite s’il n’est pas assez puissant à votre goût.
LES DIFFÉRENCES LONGBOW – FLATBOW
Outre la sensation lors du tir et la forme générale, la différence entre les deux types d’arcs s’exprime fortement durant le tillering.
La courbure générale est différente puisque le longbow plie légèrement à la poignée au contraire du flatbow, ce qui se manifeste par un travail plus élaboré de la poignée du flatbow.
L’autre grande différence de tillering sera la section des branches de l’arc qui influence la manière de travailler ainsi que les risques d’erreurs.
Pour ces deux raisons, le tillering du flatbow sera souvent plus difficile dans sa réalisation.
– Le travail de la poignée –
1- La poignée
La première étape sera de réaliser une poignée agréable en main, toutefois certains préférèrent quelque chose de plus travaillé (plus proche des poignées anatomiques modernes) et d’autres, une forme plus brute ou carrée.
Il sera possible de la faire très étroite (env. 1,5 à 2cm de large sur 5-6cm d’épais) ou alors plus arrondie (3x5cm ou 4×4.5cm de section). Pour des arcs supérieurs à 50 livres, la poignée devra être plus conséquente afin de ne pas plier.
Plus elle sera large, plus on augmente le paradoxe de l’archer (à éviter), par contre, une poignée trop fine n’est pas toujours agréable à prendre en main. Pour cette raison, certains facteurs d’arc réalisent des poignées bombées au centre (pour la main), mais qui s’affinent en largeur au niveau du passage de la flèche (et symétriquement pour une raison esthétique).
La longueur de la poignée sera de 10-12 cm sous le passage de la flèche (+ 2-3 cm au-dessus pour le passage de l’empennage s’il s’agit d’un flatbow asymétrique). Il est possible de diminuer à 7-8cm, mais une partie de la main sera en dehors de la poignée (selon la main de l’archer). Pour les personnes désirant placer une poignée en cuir, il sera préférable d’opter pour 12cm minimum.
Pour la réalisation, la plane est efficace pour dégrossir le travail rapidement, toutefois il faudra s’arrêter à la moitié de la poignée et retourner l’arc pour l’autre moitié. La connexion entre les 2 côtés sera difficile à la plane, il faudra donc terminer le travail à la râpe, ou plus rapidement à la ponceuse. Pour le moment, il n’est pas utile de rechercher une poignée parfaite, il faut surtout avoir un résultat agréable en main qui sera affinée ensuite.
2- La transition poignée-branche
La deuxième étape sera la réalisation de la transition entre la poignée et la branche de l’arc.
Il s’agit d’un travail délicat et qui est à l’origine d’erreurs faisant perdre de la puissance à l’arc au final. En effet, le passage de la poignée -épaisse et étroite- à la branche -fine et large- implique de créer une transition géométrique, mais surtout une transition structurelle entre les deux formes. Pour cette raison, l’arc ne pliera ni à cet endroit ni à sa poignée. Cette transition est généralement réalisée sur 5 à 8 cm de long (voir les flèches au crayon sur la photo précédente).
L’endroit le plus difficile sera la transition avec la branche, là où celle-ci commence à plier. Bien souvent cela semble correct géométriquement, mais lorsqu’on plie l’arc, on voit alors qu’il ne plie pas du tout sur les premiers 15-20 cm. La logique sera donc de retirer un peu de matière, au risque que l’arc plie trop ensuite!
En effet, en suivant les fibres du bois comme pour le longbow ou les branches du flatbow, la bonne courbure sera plus facile à obtenir, il suffira de diminuer très progressivement l’épaisseur.
Dans le cas de la poignée du flatbow, les fibres doivent être coupées selon un angle plus important, il faut donc forcer sur la plane et c’est alors qu’elle s’enfonce trop profondément à l’endroit où l’angle change.
Il n’existe pas de solution miracle, il faut prendre son temps pour réaliser cette transition et utiliser des outils ne retirant pas trop de matière. Pour éviter une mauvaise entaille avec la plane, il est possible d’utiliser la ponceuse. L’idéal sera de trouver une ponceuse légère que l’on peut facilement manier à une main afin de pouvoir tenir l’arc de l’autre. Une petite meuleuse d’angle avec un kit y placer des disques à poncer fonctionne parfaitement.
Le travail sera très différent de celui de la place, mais il faudra faire tout aussi attention. Nous recommandons de réaliser des «passes» de ponçage sur 20-30 cm de long (sans trop insister) et de s’arrêter en relevant la ponceuse dans le même geste afin de ne pas avoir d’arrêt net qui diminuerait l’épaisseur trop localement.
À vous de trouver votre outil préféré !
Il sera préférable pour le tillering au sol, de ne pas trop insister à cet endroit et laisser l’ajustement pour l’étape suivante. En effet, cet endroit plus difficile devra se mettre en place petit à petit durant le tillering.
Diverses formes de poignées de flatbows et leur transition avec la branche :
Il existe toutefois une solution pour réaliser plus facilement la transition poignée-branche: il suffit de faire un premier tillering avec une branche plate, mais sans poignée marquée (ni en épaisseur ni en largeur) et d’y coller ensuite une surépaisseur de bois qui l’empêchera de plier. On pourra ensuite terminer le travail de la poignée. Toutefois, en utilisant un collage, cette solution s’éloigne du travail des arcs traditionnels historiques. Dans ce cas, nous pouvons aussi imaginer corder les deux morceaux l’un à l’autre.
– Le travail des branches –
Le travail des branches diffère également entre le flatbow et le longbow. Bien entendu, le fait que le longbow n’a pas de poignée marquée implique un travail différent et plus régulier sur le long de la branche. Mais aussi, la forme des branches influence fortement la difficulté du travail.
– La différence d’épaisseur
Vu la grosseur des branches du longbow, retirer un copeau de 0.5mm d’épaisseur aura une faible influence sur la courbure de l’arc.
Le flatbow a des branches moins épaisses et plus larges, retirer de la matière en épaisseur aura donc des conséquences plus significatives sur la courbure. Proportionnellement, plus de matière sera retirée.
En effet, diminuer l’épaisseur d’un arc par 2, réduira sa puissance par 4; réduire l’épaisseur est donc un facteur plus important que la largeur.
Les erreurs de tillering sur le flatbow seront donc plus graves du point de vue de la puissance de l’arc, de même il sera souvent plus difficile d’obtenir une puissance précise.
– La forme de la section
Les longbows sont souvent de type « anglais » (en D, ventre arrondi) alors que la majorité des flatbows ont un ventre aplati (ou très légèrement bombé). Le travail à la plane d’une surface plate sera plus difficile qu’une surface arrondie.
Une surface arrondie est en réalité plutôt polygonale, le travail consiste donc à recouper les angles successivement en retirant de fins copeaux. La surface de coupe est réduite, ce qui ne demande pas trop de force pour le facteur d’arc, donc plus de précision aussi.
Un ventre plat sera, au contraire, plus difficile à obtenir, car la surface de coupe est beaucoup plus large (plus de force nécessaire). Encore une fois, plus de matière sera retirée par coup de plane, les erreurs auront d’autant plus de conséquences pour le flatbow.
L’autre difficulté pour le ventre plat sera de tenir la plane selon un angle constant afin de conserver une épaisseur identique en coupe afin que la branche ne plie pas en oblique.
Il sera toutefois possible de vérifier si le travail est correct en suivant le dessin des cernes côté ventre. Si la pointe des cernes est au centre de la branche, cela signifie généralement que l’épaisseur est constante. Si au contraire la pointe est située sur le côté, alors elle est trop épaisse de ce côté (sauf si vous travaillez en vrillant autour de l’axe de l’arbre, ce qui n’est visible qu’en le regardant de manière rasante à une extrémité).
– Quel outil choisir ?
Pour les multiples raisons précédentes, le tillering du flatbow sera plus délicat. Il faudra prendre son temps et, avec la plane, ne pas retirer des copeaux trop épais ou trop longs afin de réduire les erreurs.
Il est possible d’employer une ponceuse afin de limiter les erreurs. En effet, à chaque coup de ponçage, une très faible épaisseur de bois sera retirée. Toutefois, il faudra toujours poncer selon le même angle et privilégier des « passes » sur toute la longueur de la branche en même temps sans arrêt net. En réalité, la ponceuse ne sera pas plus rapide que la plane, elle permet surtout de réduire en épaisseur de manière plus uniforme tout au long de la branche.
D’autres outils peuvent être utilisés pour retirer de la matière durant le tillering. Certains facteurs d’arc travaillent à la râpe, ce qui nous semble très lent et surtout offre en surface irrégulière qui sera d’autant plus longue à poncer ensuite (sans parler des risques de modifier la courbure à cause de ce ponçage plus intensif).
D’autres outils retirant une faible épaisseur de bois peuvent aussi être utilisés (racloir, wastringue…). Nous ne les avons pas testés ! Il faut trouver l’outil qui vous correspond, tout en gardant à l’esprit qu’en allant trop rapidement, on augmente fortement les risques d’erreur, et en travaillant trop lentement, le facteur d’arc se décourage et fini par tenter d’aller plus vite et se trompe aussi (ce qui n’a bien évidement jamais été notre cas !)
À notre avis, la plane sera très efficace pour le longbow, elle permettra de modérer manuellement la profondeur des copeaux ainsi que de suivre les fibres du bois côté ventre (les ondulations sont plus courantes sur le ventre du longbow).
Pour le flatbow, il sera souvent plus simple d’utiliser la ponceuse, mais si vous désirez malgré tout vérifier les ondulations des fibres, il sera possible d’alterner la ponceuse 75% du temps et un retrait très superficiel à la plane afin de retrouver le sens des fibres.
LE TILLERING AU SOL
Maintenant que nous connaissons la méthodologie de travail, il ne reste plus qu’à démarrer le tillering…
La procédure est identique à ce qui a déjà été dit durant le dégrossissage, sauf que désormais, il ne s’agit plus de retirer la matière superficielle, mais plutôt d’arriver à un arc qui commence à plier de manière plus uniforme afin de démarrer le tillering suivant avec les outils.
La méthode est assez simple :
– On place une branche au sol en la bloquant devant avec le pied ou sur le sol.
– On prend l’arc à la poignée avec la main droite (ou gauche pour les gauchers).
– L’autre main se place sur la branche supérieure, soit à mi-hauteur si l’on désire voir la courbure de la branche au sol, soit à la poupée si l’on désire voir la courbure de l’arc entier.
– Ensuite, il faut pousser à la poignée et regarder la manière dont plie l’arc.
– Une fois terminée, il faut inverser l’arc pour vérifier l’autre branche.
En réalité, le seul avantage du tillering au sol, c’est qu’il est plus rapide que le suivant et permet donc de se faire une idée rapide de l’avancement du travail.
Chacun choisira donc son niveau de perfection pour le tillering au sol, il est possible d’aller assez loin en regardant la courbure dans un miroir (ou de demander à une autre personne) afin de mieux voir la forme des branches en flexion et de parfaire l’équilibrage. D’autres préfèreront passer directement à l’étape suivante.
À notre sens, il est utile de dégrossir l’arc pour arriver à une puissance qui sera environ 20-25 livres au-dessus de ce qui est recherché (mais seule l’expérience permettra de juger plus correctement) tout en tentant d’avoir les deux branches qui plient avec la même puissance. Si la courbure générale des branches est clairement mauvaise, il est utile de tenter d’équilibrer en retirant là où ça ne plie pas, sinon, il sera préférable de parfaire l’équilibrage durant l’étape suivante.
Il est en effet assez difficile de voir correctement la forme de la courbure puisque le facteur d’arc se trouve directement au-dessus (pas assez de recul pour s’assurer d’une bonne courbure et qu’elle soit identique pour les deux branches). De plus, en poussant sur la poignée, la force exercée n’est pas toujours parfaitement perpendiculaire à la branche, ce qui peut donner l’impression que la branche au sol plie davantage sans que ce soit vrai.
Dans notre exemple, le flatbow ne semble pas du tout plier dans un premier temps… l’arc n’est encore qu’un bâton! La puissance dépasserait les 100 livres s’il ne cassait pas avant. Il faut donc dégrossir petit à petit en contrôlant régulièrement la puissance au sol. Après quelques minutes, les branches plient légèrement (15-20 cm) ce qui devrait correspondre à 70-80 livres. Pas besoin d’aller beaucoup plus loin.
Pour le longbow, une fissure due au fendage a fait réduire l’épaisseur à proximité de la poignée (mauvaise position !). Nous optons donc pour ne pas faire de tillering au sol et de laisser l’équilibrage pour l’étape suivante. En effet, le tillering proprement dit permettra de voir plus précisément la courbure et donc d’éviter de retirer de la matière si cela n’est pas nécessaire, ce qui ferait perdre d’autant plus de puissance. A priori, la branche avec la fente est encore dure, mais elle ne plie qu’à un seul endroit, ce qui est trompeur, lorsqu’elle pliera sur toute sa longueur, la puissance sera fortement réduite. Il est donc difficile d’estimer à ce moment. Nous arrondissons juste le ventre de l’arc puisque nous recherchons un arc en D, même si cela pourrait signifier diminuer la puissance de l’arc !
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