La première erreur des gens est souvent d’appeler « catapulte » toutes les machines lançant des pierres. En réalité, la catapulte était utilisée par les Romains et fonctionnait sur un principe de torsion de corde.
Au Moyen Âge, il semble que cette technique n’a pas été employée alors que de nombreux textes et films en décrivent toujours… mais pourquoi cette erreur ? Pourrait-elle venir d’une seule personne ?

UNE MAUVAISE INTERPRÉTATION !

« Au Moyen Age, puis à la Renaissance, un événement historique était généralement peint sans que l’on tienne compte de la date de son déroulement. Ainsi, il était fréquent que l’artiste incorpore dans son œuvre des décors, costumes, armures, ou des détails techniques illustrant sa propre époque. » 1

Ainsi, Renaud Beffeyte explique la possible erreur de Viollet-le-Duc : vu le manque de textes concernant les machines de siège, le célèbre architecte du XIXe siècle aurait considéré comme médiévales certaines illustrations de la fin de Moyen Age représentant des machines romaines ; oubliant ainsi les indications concernant leurs sources (d’après Végèce, d’après Vitruve…). « On peut supposer qu’il a interprété la présence de ces engins servis par des soldats Renaissance, comme la preuve de leur usage à cette époque et à plus forte raison au Moyen Age. »2
« Le style gréco-romain s’imposant avec force, les représentations des machines antiques foisonnèrent dans les traités médiévaux d’art et d’architecture militaire. » 3

Le scorpionfig1 (décrit par Végèce au IVe siècle) et la catapultefig2 n’ont donc certainement jamais été utilisés au Moyen Age ; sauf peut-être au siège d’Angers (en 873) où l’on fait appel à un ingénieur Byzantin qui construit des machines « nova et exquisita » (nouvelles et raffinées). Viollet-le-Duc pensait qu’il s’agissait d’une innovation par rapport aux armes antiques, donc d’un ancêtre du trébuchet. Ceci est improbable et ne traduit certainement que l’étonnement devant des machines oubliées de ce temps. D’ailleurs ces machines furent inefficaces et on dut détourner un cours d’eau pour récupérer la ville occupée par les Normands!

Par ses illustrations magnifiques et ces recherches très détaillées, l’œuvre de Viollet-le-Duc a eu une grande influence à son époque et reste aujourd’hui encore une référence importante. Il n’est donc pas étonnant qu’une de ces erreurs se soit rependue à travers les manuelles scolaires, les textes historiques et sites anciens.
Ceci illustre toutefois l’importance de croiser les sources et de vérifier les informations.

 

Bon nombre de machines romaines utilisaient la torsion de fibres animalesfig2&3 (nerf de bœuf, boyaux d’animaux, etc.) pour donner de la puissance aux armes. Le principe était le même que les anciennes scies à cadre : par la torsion de la corde, le bout de bois tend à revenir. Il suffit d’imaginer cela en plus grand avec une cuillère géante profetant un boulet.
Cependant, les matériaux utilisés pour la torsion sont très sensibles à l’humidité ! Il est donc bien possible que les machines de l’ingénieur byzantin (au siège d’Angers) étaient très utiles chez lui, mais n’ont eu aucun effet dans nos régions plus humides !
Ainsi L’onagre (catapultefig2) avec ou sans arc, n’était  pas efficace dans les pays humides, de même pour les balistes. Les Romains connaissaient déjà ce problème lors des campagnes dans nos pays et devaient protéger les fibres avec une cloche fig3.

L’ouvrage de Viollet-le-Duc est une très grande référence dans le domaine de l’architecture militaire (ainsi que religieuse et civile) au Moyen Age ; et son erreur concernant les engins de guerre est encore visible dans certains sites historiques.
J-F.Fino remettait déjà en question l’existence au Moyen Age de la catapulte romaine. (les gens de l’époque utilisant le mot « catapulte » pour toutes sortes de machines de jet aussi bien de pierre que de traits).
Taccola dans son ouvrage « l’art de la guerre » (en 1453) fait le point sur l’armement existant et dessine de nombreuses machines (militaires et civiles – trébuchet, couillard, etc.) mais ne représente ni onagre, ni scorpion.
Même si certaines interprétations de Viollet-le-Duc sont erronées (engins de siège et autre), cela n’amenuise pas l’ensemble de son œuvre qui reste encore une des grandes références 150 ans après la première publication.

 

1 – BEFFEYTE R.,  L’art de la guerre au Moyen Age, éd. Ouest-France , Rennes, 2005, p.11

2 – BEFFEYTE R., Les machines de guerre au Moyen Age, éd. Ouest-France, Rennes, 2000, p.2

3 – Ibidem – 1 –

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